Comprendre et différencier saveurs et arômes
Lorsqu’on déguste un spiritueux ou une boisson sans alcool, notre expérience est souvent résumée au "goût". Or ce terme, trop souvent employé pour désigner l’ensemble de la dégustation, ne couvre en réalité que les saveurs détectées par la langue. En pratique, ce sont les arômes, captés par le nez, qui façonnent la majeure partie de notre perception à la dégustation, y compris lorsque le liquide est mis en bouche.
Nicolas Malfondet
5/13/20253 min read
Saveurs : les cinq piliers de la bouche
La langue ne discerne que cinq catégories principales de saveurs, détectées par les papilles :
Sucré (glucose, fructose… et de façon un peu différente les édulcorants)
Salé (ions sodium)
Acide (ions hydrogène, agrumes…)
Amer (tanins, quinine…)
Umami (glutamate, viande, champignons…)
Ces sensations, appelées gustatives, représentent moins de 20% de l’impression globale : elles nous donnent la structure de base du produit (plus ou moins sucré ou acide, très salé, trop amer ou subtilement umami), mais n’expliquent pas la richesse aromatique d’un rhum fruité, d’un whisky tourbé ou d’un gin sans alcool épicé.


Arômes : le pouvoir du nez
Contrairement à la langue, le nez, via ses millions de récepteurs olfactifs, peut distinguer un nombre colossal d’odeurs : selon une étude publiée dans la revue Science, près d’un trillion (un milliard de milliard !) d’arômes différents seraient perceptibles par l’olfaction humaine. C’est cette finesse qui donne toute sa complexité à une dégustation : notes fruitées, florales, épicées, boisées, fumées…
On distingue deux voies de perception olfactive :
Orthonasale : détection lors de l’inspiration par le nez, sans mise en bouche
Rétronasale : lors de la mise en bouche, les arômes remontent vers le nez pendant l’expiration ou en avalant


Les sensations trigéminales : un troisième axe
Au-delà des saveurs et des arômes, notre bouche et notre nez possèdent aussi des récepteurs trigéminaux, responsables des sensations de :
Astringence (sécheresse, langue râpeuse)
Piquant (capsaïcine du piment)
Frais (menthol)
Picotement (gaz carbonique)
Chaleur (alcool à fort degré, température)
Ces impressions, souvent confondues avec goût ou odeur, sont en fait une forme de douleur légère ou de stimulation tactile chimique, contribuant à l’ensemble des perceptions en bouche.


L’expérience du nez bouché
Pour bien comprendre l’importance du nez, voici un petit test :
Première dégustation : pincez-vous le nez (ou employez un pince‐nez) et gardez-le pincé jusqu’à la fin de la seconde dégustation. Avalez la boisson, de préférence inconnue. Ne vous concentrez que sur la langue : sucré, salé, amer, acide, umami et sensations trigéminales. Vous constaterez que vous ne percevez pas d’arômes et ne pourrez pas concrètement identifier le type de boisson que vous dégustez.
Seconde dégustation : toujours avec le nez pincé, avalez une seconde gorgée et débouchez votre nez au moment de la déglutition. Notez aussitôt la différence : explosion de parfums, complexité aromatique, longueur en bouche… Vous pourrez alors plus aisément identifier la boisson inconnue.
Ce "test du nez bouché" révèle qu’en réalité, plus de 80% du "goût" dépend de l’olfaction, rétro‑ et orthonasale.




En résumé
Goûts = Gustation = Saveurs : détectées par la langue (sucré, salé, acide, amer, umami)
Arômes = Olfaction = Odeurs : perçues par le nez (en orthonasal et rétronasal), jusqu’à un trillion de notes différentes
Sensations trigéminales : astringence, piquant, frais, picotement, chaleur
En maîtrisant ces notions, vous affinerez vos dégustations, qu’il s’agisse d’un spiritueux, d’un vin, d’une bière ou d’une boisson sans alcool, et saisirez mieux la magie des arômes et des saveurs, qui dansent entre respectivement dans vos narines et vos papilles.
Pourquoi parler de "goût" est trompeur
Dans le langage courant, on utilise "goût" pour décrire l’ensemble des impressions en bouche. Techniquement, le goût (gustation) est un synonyme de saveur ne recouvre que les cinq détectées par la langue. Finalement, vous l’aurez compris à la lecture de cet article "un goût fruité" est lié au nez, et non pas à la bouche.



